lundi 3 mars 2008

Billet d'humeur signé Huguette Dreikaus

J'ai aimé ce billet d'humeur lu dans les Dernières Nouvelles d'Alsace et signé de l'humoriste alsacienne Huguette DREIKAUS.



Dommages collatéraux sur le mental

Souvent on dit: «Nous avons une soirée entre amis», Et chez les amis, on rencontre les amis des amis. On se trouve alors devant le grand loto de la vie et on se demande «Sur qui vais-je tomber?»

Les conversations sont à l'image des convives. Marine, femme élégante, narre ses déboires dans une boutique de luxe où l'on a eu l'outre­cuidance de lui présenter une jupe taille 40 alors qu'elle fait du 38. Qu'on la soupçonne d'être .grosse l'a tellement bouleversée que même le récit de l'affaire a réussi à mettre un pli dans son Botox.
Jean-Charles parle avec amertume des sommes faramineuses qu'il verse à ses deux ex-femmes au titre des pensions alimentaires et du souci que cela lui pose pour acquérir les bijoux si nécessaires pour séduire une troi­sième épouse.
Comme vous voyez, je vais parfois dans des soirées où les gens portent la misère du monde sur leurs épaules. Face à ces déboires insupportables, on se sent tout bête si on a seulement une tante en fin de vie, un fils en rupture affective, un taux de diabète énorme et du mal à acheter son mazout.
Les conversations varient au fil des jours. Le soir des rois, c'était soirée «psy». Débats animés sur le genre humain. Les psys présents n'étaient pas d'accord. Comme dirait Confucius, «les théories sur la psychologie changent en fonction du quartier où le psy a installé son cabinet».
En mordant ma galette à la frangipane, j'ai assisté aux deux thèses contradictoires sur l'humanité. Deux psys, deux thèses.
Première affirmation; «les gens sont cons et le psy doit leur apprendre à vivre avec cette connerie inéluctable. Deuxième affirmation: "Chacun a son salut au fond de soi, c'est au psy de le faire découvrir à son patient".

Les relents du passé dans chaque geste ?

Dès lors je me suis mise à m'observer pour voir où je me situais. Dans les jetables ou dans les recyclables? Le nœud de Lacan s'est formé autour de mon cou comme la corde d'un pendu.
Dès ce moment, j'ai fait très attention à mes faits et gestes. Je ne me suis plus gratté la tète sans consulter pour savoir si ce geste était destiné à chasser les poux ou si c'était une façon de faire revivre ma mère qui m'épouillait dans mon enfance. Quand la bronchite a englué mes poumons, je n'ai pas pris une goutte de sirop sans me demander si cette bronchite n'était pas due a tous les non-dits que j'ai sur le cœur et qui m'étouffent. Je ne me suis plus regardée dans la glace sans chercher à savoir si c'est moi que je regardais ou si dans la contemplation de mon propre visage je cherchais le visage de ma mère trop tôt disparue.
Rassurez-vous, entre temps, j'ai trouvé le salut. Pour échapper aux délires psy des amis de mes amis Muller. j'ai passé deux soirs avec les amis de mes amis Schmitt. Les amis de mes amis Schmitt m'ont conté leurs gastros. Et là. je me suis réconciliée avec l'humanité. J'ai au moins une certitude: la gastro, ça arrive à tout le monde et ses symptômes n'ont rien à voir avec une scolarité difficile ou avec la brutalité du père. Les douleurs abdominales ne viennent pas de l'enfance. Elles viennent d'un virus.
H. D.

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Huguette Dreikaus
Les Dernières Nouvelles d'Alsace


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