lundi 2 mai 2011

Les expressions nées de la mer

Le spectacle "battait son plein", le public "était en nage", l'artiste a "fait un tabac". Une fan a voulu lui "mettre le grappin dessus" mais la femme du chanteur "veillait au grain" et là, "pas de quartier" ! Dans "quelle galère" la fan s'est-elle fourrée ! Vous pensez que cette histoire n'a rien à voir avec la mer ? Détrompez-vous... De nombreuses expressions maritimes ont été intégrées au vocabulaire courant.

"En vrac"
Cette expression provient du mot néerlandais "wrac", qui signifiait "mauvais, endommagé". Cela désignait les poissons que l'on jetait dans les bacs sans même les empaqueter, ni même les ranger correctement.
Depuis, cette formulation s'est étendue à tous les produits non emballés, puis à toutes les choses en désordre ou que l'on n'a pas pris le soin de trier.
Vous ne le saviez pas ? Eh bien voilà, maintenant, vous pourrez faire le malin ou la maline auprès de vos proches en leur étalant votre culture...

C'est le branle-bas de combat

Cette expression est empruntée au langage de la marine. Au XVIIe siècle, les "branles" désignaient les hamacs qui faisaient office de lits aux marins.
Le "branle-bas" correspondait à un signal émis sur le navire le matin, et suite auquel chacun devait décrocher son hamac et nettoyer le bateau.
Il existait également "le branle-bas de combat", qui était un signal émis lorsque le bateau allait être attaqué. Les marins devaient alors décrocher leur couchage pour pouvoir avoir plus de place lors de la bataille. Tout ceci se faisait le plus rapidement possible, donc dans l'agitation.
C'est à partir du XIXe siècle que l'expression a commencé à être employée au sens figuré, symbolisant alors un remue-ménage, une agitation désorganisée.

Mettre le feu aux poudres
L'expression "mettre le feu aux poudres" provient aussi du langage de la marine.
On disait au XVIe siècle "mettre le feu aux étoupes". L'étoupe était utilisée pour fabriquer les mèches des armes. A cette époque, lorsque le capitaine du navire jugeait qu'un combat était perdu d'avance, il donnait parfois l'ordre de mettre le feu aux étoupes.
Ainsi, le maître canonnier approchait une mèche des barils de poudre qui étaient entreposés dans le bateau, et tous les marins se jetaient par-dessus bord avant que l'embarcation n'explose.
Les "étoupes" ont été remplacées par les "poudres" au XVIIIe siècle.
Dans un sens plus ancien, l'expression signifiait "déclencher des passions amoureuses".
Aujourd'hui, on l'utilise dans le sens de "engendrer des réactions violentes".

Mettre le grappin dessus
Aujourd'hui, on utilise cette expression dans le sens de "S'emparer de quelque chose, accaparer quelqu'un, le retenir contre sa volonté" (notamment dans le langage de la séduction pour désigner une personne envahissante, une "vamp"...)
Le terme grappin vient du monde maritime. Il désignait un crochet d'abordage qui, une fois lancé, permettait aux flibustiers des vaisseaux pirates de monter plus facilement à bord des bateaux attaqués. En tirant sur la corde reliée au crochet, on pouvait rapprocher le navire "cible", le retenir contre son gré, et s'en approprier les richesses.
L'expression s'est ensuite généralisée à toutes les situations où quelqu'un prend l'ascendant sur quelque chose ou quelqu'un.

Battre son plein
Cette expression signifie qu'un événement atteint son degré d'intensité le plus élevé. Plusieurs hypothèses expliquent l'origine de cette expression.
La première, qui n'a rien à voir avec la mer, évoque comme source de la locution le son "plein" que peut sortir un instrument de musique.
Selon la deuxième hypothèse, cette expression renvoie à l'eau. Dans son ouvrage "Dictionnaire des mots de la mer", Pol Corvez rappelle qu'en 1851, la définition de "battre son plein" est "[pour la mer] battre le rivage à marée haute". La marée est alors au plus haut niveau, au maximum de son activité : l'eau bat son plein.

Être du même bord
Autrefois, un "bord" désignait un navire. Les marins, qu'ils soient soldats, équipage de commerce ou voyageurs, étaient très solidaires face aux périls, attaques ou tempêtes, puisqu'ils naviguaient sur le même bateau. Ils oubliaient leur origine sociale, leur rang ou leur fonction pour tous œuvrer dans le même sens : celui du bien du navire.
C'est donc de ce domaine maritime qu'est née l'expression "être du même bord" qui signifie que deux personnes sont du même avis, de la même opinion.
Autre expression approchante : "être dans le même bateau", qui veut dire "se retrouver dans la même situation, partagée par tous".

C'est la galère !
De l'Antiquité au XVIIIe siècle, les galères étaient des bateaux sur lesquels les malfaiteurs étaient condamnés à purger leur peine.
En 1564, un édit fixa la durée minimum de cette peine à 10 ans. Attachés, bien souvent fouettés et maltraités, ils devaient ramer sans cesse pour faire avancer les navires. Les galères furent supprimés par Louis XV en 1748.
Les "galériens" furent par la suite appelés les "bagnards". Aujourd'hui, on emploie les expressions "C'est la galère" ou "C'est le bagne" pour dire qu'une situation est longue et difficile à surmonter.

Veiller au grain
Cette expression est aujourd'hui utilisée pour dire "faire attention, être prudent, veiller sur quelque chose ou quelqu'un avec une grande vigilance".
Née au milieu du XIXe siècle, elle trouve son origine dans le langage maritime. Pour les loups de mer, le grain est un "coup de vent momentané de force et de direction variables, avec des rafales, lié au passage d'un front froid, généralement accompagné d'averses de pluie ou de grêle, voire de neige", contre lequel il faut être très vigilant.
Avec le temps, l'expression est entrée dans le langage commun et on dit que l'on "veille au grain" lorsque l'on se méfie d'un événement qui pourrait nous être préjudiciable.

Pas de quartier !
Autrefois, les quartiers de sauveté étaient des lieux où les troupes étaient en sécurité et où les soldats pouvaient se reposer. Ces cantonnements évoquaient donc la sécurité et les bons traitements.
Par la suite, un "quartier" a désigné une mesure qui permettait de laisser la vie sauve à des prisonniers. Le mot est devenu synonyme de "grâce", "vie sauve" ou "miséricorde". On employait alors les expressions "faire quartier" ou "ne pas faire de quartier" en fonction des décisions qui étaient prises quant aux captifs. En gros, ne pas faire de quartier signifiait massacrer tout le monde...
Depuis leur apparition au XVIIe siècle, seule la forme négative a subsisté. Elle signifie qu'une personne est impitoyable et ne fait preuve d'aucune tolérance.

Être en nage
Il semble que cette expression ait été déformée au fil du temps. En effet, on disait autrefois "être à nage". Selon Émile Littré, l'expression "être à nage ou en nage" signifiait dès le XVIe siècle nager dans l'eau ou dans tout autre liquide. Mais au sens figuré, la signification devenait "être tout mouillé"."Être en nage" est donc une image que l'on attribue à une personne qui est en sueur.

Faire un tabac
Dans le langage maritime du XIXe siècle, on appelait "un coup de tabac" une tempête soudaine qui endommageait la coque des bateaux. Cette expression s'est étendue au bruit provoqué par le tonnerre lors d'un orage, et par extension, au "tonnerre d'applaudissements" qui se faisait entendre lors d'une représentation théâtrale réussie.
"Faire un tabac" signifie aujourd'hui encore avoir du succès.

Passer à tabac
Au XIXe siècle, le nom "tabac" a pris le sens de "volée, coup". Sa racine "tabb" signifie "battre, frapper". "Passer à tabac" veut donc dire frapper violemment une personne.

Rendre la monnaie de sa pièce
Deux explications existent pour l'origine de cette expression qui signifie "se venger".
Elle pourrait être une référence à la Loi du Talion, sous une métaphore de l'argent. La Loi du Talion apparut en 1730 avant Jésus-Christ dans le code d'Hammourabi, roi de Babylone. Concrètement, elle incitait à la vengeance individuelle, la peine devant être égale au préjudice subi. "Rendre la monnaie de sa pièce" signifierait donc littéralement "rendre ce qui est dû", si l'on se réfère à la Loi du Talion.
Une autre explication proviendrait de la marine. A l'époque de la marine à voile, les soldats auraient eu l'habitude d'introduire une pièce à l'effigie du roi dans la poudre. Ainsi, lorsque le boulet frappait le navire ennemi, la "pièce" était rendue, et la vengeance accomplie.

La planche de salut
Aujourd'hui, la planche de salut est le dernier espoir, le dernier recours pour éviter qu'un ennui vous tombe sur le dos...

Là encore, c'est à la mer que l'on doit cette expression, apparue au XIXe siècle. Elle fait référence à la planche de bois, qui servait à l'embarquement et au débarquement à quai sur un bateau. Cette planche, tout comme d'autres débris de bois, pouvaient être utiles aux marins en cas de naufrage. Ils pouvaient alors s'y accrocher pour garder la vie sauve.
Qui n'a jamais lu les albums d'Astérix dans lesquels les pirates finissent toujours par tomber à la mer et s'accrocher à des planches du bateau ?!

Aller de conserve
Au XVIe siècle, le mot "conserve" prend le sens de "escorte". On trouve aussi la locution "de conserve" à ce moment-là dans le langage maritime.
Naviguer de conserve se dit alors pour des navires qui voguent ensemble, sans se perdre de vue, pour s'escorter et se protéger mutuellement en cas d'attaques de pirates.
Aujourd'hui, aller de conserve intègre toujours cette notion d'accompagnement. Cela signifie "aller ensemble".

La «dictée de Mérimée»


Un bon tour à jouer à vos amis, qui parleront un peu trop haut de leur science. Faites-leur faire la dictée que Prosper Mérimée proposa à Napoléon III, durant un séjour à Fontainebleau :


Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Saint-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veaux et les cuissots de chevreuils prodigués par l'amphitryon, fut un vrai guêpier.
 

Quelles que soient, quelque exiguës qu'aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu'étaient censés avoir données à maint et maint fusilier subtil la douairière ainsi que le marguillier, il était infâme d'en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et de leur infliger une raclée, alors qu'ils ne songeaient qu'à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.
 

Quoi qu'il en soit, c'est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s'est laissé entraîner à prendre un râteau et qu'elle s'est crue obligée de frapper l'exigeant marguillier sur son omoplate vieillie.
 

Deux alvéoles furent brisés, une dysenterie se déclara suivie d'une phtisie et l'imbécillité du malheureux s'accrut.

«Par St Hippolyte! Quelle hémorragie!» s'écria ce bélître! À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l'église tout entière.

Abraham Lincoln Président des Etats-Unis d’Amérique - 1860


« Vous ne pouvez pas créer la prospérité en décourageant l'épargne. Vous ne pouvez pas donner la force au faible en affaiblissant le fort. Vous ne pouvez pas aider le salarié en anéantissant l'employeur. Vous ne pouvez pas favoriser la fraternité humaine en encourageant la lutte des classes. Vous ne pouvez pas aider le pauvre en ruinant le riche. Vous ne pouvez pas éviter les ennuis en dépensant plus que vous ne gagnez. Vous ne pouvez pas forcer le caractère et le courage en décourageant l'initiative et l'indépendance. Vous ne pouvez pas aider les hommes continuellement en faisant pour eux ce qu'ils pourraient et devraient faire eux-mêmes. »

Tu seras un Homme, mon fils de Rudyard KIPLING


Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir,
Si tu peux être amant sans être fou d’amour ;
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles,
Sans mentir toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les Rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur
Rêver, sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser, sans n’être qu’un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu peux être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer triomphe après défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront ;
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,

Tu seras un Homme, mon fils.